J’ai souvent entendu ceux qui écrivent pour le théâtre me raconter une expérience similaire : vos proches viennent assister à la représentation d’un texte que vous jugiez parfaitement fictif, mais à la sortie, éclate un joyeux procès d’intentions : l’un est convaincu d’avoir inspiré « votre héros », l’autre « votre monstre », on vous soupçonne d’avoir transposé les répliques d’une dispute à Noël… et votre pièce a priori inoffensive devient malgré vous un règlement de comptes. Je me souviens de ce soir où j’ai recueilli les confidences accidentelles d’un proche : il était sûr qu’une scène faisait référence à un lourd secret dont j’ignorais en réalité tout.
Cette pièce est née de ce miroir magique – ou diabolique – que nous tend celui ou celle, dans le cercle familial, qui emprunte le chemin risqué de l’expression artistique. Théophile, pour la première fois de sa vie d’auteur, écrit sans stratégie commerciale. Il laisse son inconscient le guider naïvement et se réjouit de partager son petit conte aquatique avec son entourage. Erreur. Plus la métaphore est onirique, peuplée de poulpes, sirènes et berniques, plus elle favorise l’interprétation ! Tous s’estiment attaqués et se sentent obligés de répliquer. Et s’ils avaient raison au fond ?
Léonore Confino