« En 1995, j’ai six ans et Jacques Chirac est élu Président de la République. Il file vers l’Élysée à bord de sa Citroën CX – léger, réconcilié, joyeux. De quoi ce souvenir est-il le nom ? Chirac, c’est pour moi – et peut- être pour toute ma génération – l’image de l’enfance et d’une insouciance partagées. Je me rappelle 1995. Le Mur de Berlin était tombé et le monde marchait, nous semblait-il alors, sur deux jambes : à gauche, les Droits de l’Homme et à droite, le libéralisme économique. Le bonheur serait global ou ne serait pas. Rien ne devait résister à ce dernier voyage de la communauté humaine. Le marché, la liberté, le bonheur. Finies les idéologies, les haines, les génocides. Le XXe siècle des catastrophes allait bientôt finir. C’était le début d’une ère nouvelle. Je rouvre les yeux. Nous sommes en 2020 et le vieux monde s’est réveillé. Les identités redeviennent malheureuses et la mondialisation ne promet plus le bonheur. En 2020, l’Histoire est redevenue tragique. En 2020, Jacques Chirac est mort »
Léo Cohen-Paperman