Le premier jour de répétition, quand Yves est arrivé avec son personnage sur la scène, je les ai regardés, effarée et émerveillée. Yves était là, affublé d’un costume de bric et de broc, fait d’un pantalon de gymnastique et d’une jupe de gitane à paillettes surmontés d’une veste chinoise volée à ma garde-robe. Sur le nez, il avait un nez de farceur en caoutchouc mou.
Il improvisait des fureurs, des insolences et des rires, cela n’avait ni queue ni tête, mais c’était déjà plein de rêves et de poésies. On s’est mis au travail. Pardi, quelle aventure. Yves est un cheval fou, il part au galop sans selle ni rênes et monte aux étoiles du théâtre alors qu’on est à peine assis dans la salle encore éclairée et qu’on n’a pas encore enlevé son manteau.
Le travail de la Tragédie Comique fut un bricolage minutieux, une construction précise et laborieuse qui devait devenir pour Yves une cage invisible aux barrières infranchissables mais insoupçonnées… car si Yves est un comédien-geyser, en état constant d’ébullition et de feux d’artifice, il est rétif, comme les idéalistes, aux limites et aux frontières.
Eve Bonfati