Aborder Fin de partie, c’est me poser la question du théâtre, retrouver le théâtre, après m’être centré sur les mots et la musicalité : tout à coup, il faut voir les choses en grand. Quatre comédiens sur scène et un décor. Je retrouve l’excitation d’une première fois, la magie enfantine des trois coups et du théâtre de Guignol. Il y a de cela dans le début de Fin de partie : Clov tirant les rideaux et soulevant les draps qui recouvrent Hamm et les poubelles de Nell et Nagg. C’est comme un petit théâtre, une scène qui tous les soirs commence et tous les soirs se termine, indéfiniment.
Juste le plaisir des gestes et des mots. Diriger Denis Lavant et Frédéric Leidgens, Clov et Hamm, le fils adoptif et le père ou le maître et le domestique (on a pu dire que l’un incarnait le corps quand l’autre était l’âme, que l’un était James Joyce quand l’autre était Beckett, mais cela importe-t-il ?). Clov, bouge tout le temps et parle peu. Hamm est immobile et volubile. L’un est aveugle et paralytique, l’autre boiteux. Clov prend soin de Hamm. Hamm a autrefois pris soin de Clov. À moins que ce ne soit l’inverse. Ils passent leur temps à se chercher sans se trouver. Ils ne peuvent se détacher l’un de l’autre.
Jacques Osinski