Huis clos à l’hyperréalisme glaçant, thriller psychologique hypnotisant… j’ai choisi de monter cette pièce car elle allie la puissance du travail d’orfèvre de la langue de Kelly à la jubilation d’un face à face d’acteurs qui laisse toute la place au jeu. Dans ce bunker souterrain coupé du monde extérieur se joue un ‘pas de deux’ entre Mark et Louise, enfermés ensemble hors du temps, en proie au délire dans ce lieu qui est nulle part. C’est ici que peuvent ressurgir les instincts ancestraux, le rapport de force originel entre un homme et une femme : désir, lutte de territoire, pouvoir du bourreau sur sa victime qu’il affame, menace et manipule. Jamais manichéen, Kelly explore avec virtuosité toutes les combinaisons possibles de ce duo à la vie à la mort. Ce texte m’apparait comme un cadeau fait aux deux interprètes qui incarnent Mark et Louise. La complicité qui existe entre les deux comédiens Xavier Guelfi et Marie Petiot permet de s’enfoncer dans la violence psychologique et physique de ce texte tout en y conservant la joie d’un jeu extrêmement précis et fusionnel entre les deux acteurs qui finissent par ne faire qu’un dans cette machine lancée du premier mot jusqu’au dernier. L’enjeu d’After the End réside dans la porosité de la frontière entre l’illusion et le réel. Ce qui est donné à croire, et ce qui est. Ce qui est donné à voir, et ce qui reste invisible. Tout l’art de Kelly se situe dans le mariage entre un hyperréalisme aux contours glaçants et la poésie qui advient lorsque deux êtres se font face, avec leur imaginaires, leurs corps, leurs mots et leurs silences.
C’est sur la direction d’acteur que j’ai choisi de mettre l’accent. L’espace scénique viendra accompagner la performance des acteurs, notamment lors des séquences de violence qui forment un enjeu majeur de mise en scène. Les lumières viendront ponctuer l’action pour renforcer la perte de repères temporels. Les surfaces feront écran pour des projections vidéos, nous embarquant dans la zone grise des délires et des fantasmes que nous projetons sur le réel et sur cet Autre qui nous fait face.
Antonin Chalon